L’ancien Pékin intra-muros couvrait approximativement 62 km2 soit les deux tiers du Paris intra-muros qui fait 105 km2.

Mais l’actuelle municipalité de Pékin (Běijīng Shì 北京市) dont le territoire fut défini dans les années 1950 possède une superficie de 16 410 km2, soit cent-cinquante-cinq fois Paris, ou six fois le Luxembourg ou encore la moitié de la Belgique. La zone urbaine ne représente cependant que 7% de l’ensemble. Elle rassemble l’essentiel d’au moins 22 millions de résidents permanents. Elle renferme les anciennes villes fortifiées des dynasties Jin, Yuan, Ming et Qing qui établirent leur capitale dans ce secteur de Pékin respectivement en 1153, 1272, 1420 et 1644. Les plaines et les montagnes de la périphérie contiennent des villages, des monastères, quelques zones agricoles, les réservoirs d’eau, et des vestiges de la Grande Muraille ainsi que du Grand Canal.

Concentrons-nous sur la zone urbaine et apprenons à lire la géographie d’une capitale millénaire. Pour se situer dans les grandes avenues de Pékin avec des repères visuels, il faut lever les yeux, s’assurer de la position du soleil, de l’orientation des rues, des tours, des montagnes au loin si elles sont visibles. Ces indices servent de clés pour se repérer car Pékin possède un plan ancré dans son paysage, un ancrage réalisé grâce à un axe central nord-sud associé à un maillage d’avenues parallèles ou perpendiculaires à cet axe.

Plaque de rue au niveau des piétons à Pékin: rouge pour une voie est-ouest.
Plaque de rue au niveau des piétons à Pékin: verte pour une voie nord-sud.

Les panneaux indicateurs accroché en hauteur pour les automobilistes sont bleus. En revanches, les plaques des rues au niveau des piétons et des cyclistes sont vertes pour les voies nord-sud, et rouges pour les voies est-ouest.

Vue vers le nord au niveau de l’échangeur Guomao sur le 3e périphérique est de Pékin.

Les proportions des voies de circulation et des constructions créent de longues perspectives qui rendent le promeneur humble face à l’immensité. Une immensité qui n’écrase pas pourtant, car la démesure provient aussi de la profondeur du ciel encadré par la ligne des rues. Finalement, comme une évidence presque imperceptible, il constitue l’élément principal du décor. Ce plan mettant en scène la magnificence de l’État sied à une capitale, ses principes furent codifiés très tôt et transmis dans les chapitres XXXIII et XLIII des Rites des Zhou (Zhōu lǐ 周礼).

L’Allée à l’avant du jardin (Huāyuán qián xiàng 花园前巷) à Pékin.
Section nord de l’allée des gongs et des tambours (Běi luógǔ xiàng 北锣鼓巷) à Pékin.

En revanche, la grille formée par les grands boulevards délimite des quartiers qui eux ne sont pas des versions miniatures du plan global. Ici, la cité protocolaire ne se répète pas à une échelle plus petite, mais cède le pas à une ville organique où les rues se rétrécissent et se courbent. Certaines permettent le passage de voitures, d’autres sont juste assez larges pour un piéton. Elles ne se croisent plus toujours à angle droit. Elles s’achèvent parfois dans des virages en Γ, des intersections en T ou en Y, et elles sont percées d’entrées de ruelles étroites. Les coudes limitent le regard à des portions de rue qui s’enchaînent en un labyrinthe où chaque chemin conduira à une grande avenue.

Ruelle de la cloche de bronze (Tóngzhōng hútóng 铜钟胡同) à Pékin.

Les cloisonnements irréguliers créent de l’inattendu, ainsi que le fourbi disparate des scooters électriques et des vélos, des bacs à fleurs posés dans les interstices, des calebasses (húlú 葫芦) et des luffas (sīguā 丝瓜) dont les vrilles spiralées grimpent sur les briques des murs et sur les toits.

Ici le promeneur abandonne l’esprit du géomètre et se repère à la manière d’un chasseur-cueilleur en forêt: telle boutique, tel atelier, tel temple à tel carrefour, ce pigeonnier à cette fenêtre, les tiges pendantes d’un saule-pleureur près d’un canal, le faîte d’un sophora au loin. Est-il planté sur une placette à une intersection ou dans une cour privée? Un chat blanc sur le toit d’un café branché. Un furtif furet à robe jaune qui convoite les pigeons.

Furet (huángshǔláng 黄鼠狼), répandu à Pékin.
Pigeonnier dans l’Allée à l’est du jardin (Huāyuán dōng xiàng 花园东巷) à Pékin.

Mais ce n’est pas tout: Pékin n’est pas dense partout. Elle est parsemée d’espaces vides: ceux tonitruants qui permettent la circulation et d’où émergent des perspectives lointaines (périphériques, boulevards, échangeurs urbains surélevés), et les silencieux favorisant le délassement et les rencontres (parcs publics, berges des douves et des canaux, la Colline du charbon au cœur de la ville, et une guirlande de lacs à l’ouest de l’axe central nord-sud).

Parterre de fleurs au bord l’Allée est de Defeng (Défēng dōng xiàng 得丰东巷) dans le parc du Canal de trois lieux (Sān lǐ hé gōngyuán 三里河公园).

Photographies (sauf le furet) et texte par Rémi Anicotte.

[Mise à jour le 18 mars 2025.]


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