Promenade en métro, à vélo et à pied, à partir de Gaobeidian, jusqu’au pont Baliqiao, puis jusqu’au vieux Tongzhou, une ancienne ville à la croisée du canal Tonghui et de la section nord du Grand Canal qui coule toujours vers Tianjin (à 100 km au sud-est), puis conduisait à Nankin, Suzhou et Hangzhou.

Le quartier Gaobeidian
Le quartier Gaobeidian (高碑店), dans les faubourgs est de Pékin, s’étend des deux côtés d’une vaste retenue d’eau en amont des anciennes écluses de la Pacification du gué (平津闸), désormais remplacées par un simple barrage. Le bassin d’eau se situe à 200 mètres de la sortie A3 de la station Gaobeidian de la ligne 1 du métro.
Le lac et les écluses appartiennent au canal Tonghui (通惠运河) qui part des anciens remparts de Pékin et coule vers l’est jusqu’au vieux Tongzhou. Ils sont documentés dans leur plan actuel depuis 1292, du temps de l’empereur Koubilaï Khan (1215-1294) et de l’ingénieur Guo Shoujing (1231-1316).
Le bassin servit longtemps de port fluvial, jusqu’à l’avènement des chemins de fer à la fin du XIXe siècle: ils accaparèrent le trafic des marchandises et des passagers du Grand Canal rendant obsolète cette vénérable infrastructure.

Aujourd’hui, les rives du lac accueillent les promeneurs et les pêcheurs habitant le voisinage. Les gens vivant plus loin viennent plutôt pour visiter, du côté sud, les innombrables magasins de mobilier chinois traditionnel qui font la réputation de Gaobeidian. Au nord, s’est d’ailleurs installé en 1999 le Musée du bois de santal rouge de Chine (中国紫檀博物馆) qui expose des meubles de styles Ming et Qing, ainsi que de splendides maquettes de constructions en bois de Pékin ou d’ailleurs en Chine.

Rive sud, sur un ponton en pierres de taille, se dresse un élégant temple du Général (将军庙). Il est généralement fermé. Il serait consacré au général Meng Liang (孟良) qui est peu connu. Certains disent qu’il s’agirait plutôt d’un lieu dédié au culte de Guan Yu (关羽) un héros de l’époque des Trois Royaumes, qui est devenu au fil des siècles le patron des militaires et des commerçants.

À quelques pas, un temple du roi Dragon (龙王庙) héberge le protecteur symbolique (ou surnaturel) de ce domaine aquatique (les dragons chinois sont des êtres aquatiques), il n’est généralement pas ouvert non plus, ce dont les pêcheurs ne semblent pas s’inquiéter. C’est devant ces portes closes que se déroula un étrange conciliabule entre la policière Shen Mei et le jeune Yang Shuai dans une scène du roman Le karma à la croisée des chemins.

De Gaobeidian jusqu’à Baliqiao
Notre exploration continue vers l’est et le pont Baliqiao.


Le pont Baliqiao
Baliqiao (八里桥) est le nom d’une station de la ligne 1 du métro. Son nom signifie «pont des huit lieux» indiquant qu’il est situé à cette distance de Tongzhou. Le vieux pont de pierre enjambe toujours fièrement le canal Tonghui. Il a longtemps marqué la limite entre Pékin et la province du Zhili. Aujourd’hui il sépare le district Chaoyang et le district de Tongzhou.

Sur des photographies du début du XXe siècle, le niveau d’alluvions est tellement haut que seule se voit l’arche centrale, alors que les deux arches latérales basses et les becs des piles sont enterrés. Le canal Tonghui ne devait plus être navigable durant ces années-là et tout le trafic devait passer par la route et les voies ferrées.



C’est ici que se déroula le 21 septembre 1860, dans le cadre de la Seconde guerre de l’opium, la bataille de Baliqiao (on voit aussi les orthographes Pali-kao et Pali-kiao) opposant la cavalerie chinoise commandée par le prince mongol Sengge Rinchen aux troupes franco-britanniques.
Vers la section nord du Grand Canal
En aval du pont, nous entrons dans le district de Tongzhou (通州区). Puis, en longeant à vélo sur 5 km la rive nord du canal Tonghui, nous parvenons à la jonction du canal Tonghui avec la rivière Wenyuhe (温榆河) venant du nord, et avec la section nord du Grand Canal (北运河) coulant vers le sud-est jusqu’à Tianjin.
Un pont moderne nous permet de passer au parc Xihaizi (西海子公园) aménagé dans le secteur au sud du canal Tonghui, et du côté sud-ouest du Grand Canal. Nous arrivons en bordure du vieux Tongzhou.
Le vieux Tongzhou
Tongzhou était le nom d’une ville qui a dépéri en même temps que le Grand Canal. Son nom fut repris pour nommer un district de 907 km2 (soit près de 9 fois Paris intra-muros) appartenant initialement à l’ancien Zhili, mais rattaché à la commune de Pékin dans les années 1950.
Pierre Loti passa à Tongzhou (la ville) en 1900 en provenance de Dagu (Takou) et de Tianjin (Tien-Tsin). Voici un extrait de sa description:
«Tong-Tchéou, occupant deux ou trois kilomètres de rivage, était une de ces immenses villes chinoises, plus peuplées que bien des capitales d’Europe, et dont on sait à peine le nom chez nous. […] Au pied des hauts murs crénelés et peints en noir de catafalque, des jonques se pressent le long du fleuve. Et sur la berge, c’est un peu l’agitation de Takou et de Tien-Tsin, — compliquée de quelques centaines de chameaux mongols, accroupis dans la poussière.» (Les derniers jours de Pékin, pp.72-73, Pierre Loti, 1902.)
De nos jours, tout est bien plus calme. Il ne reste que quelques rue de l’ancienne ville, et les visiteurs seraient bien en peine s’ils cherchaient un centre-ville au sein d’une zone urbaine éclatée.

Le parc Xihaizi (西海子) enchâsse le Temple des trois enseignements (三教庙) dont le nom implique qu’il regrouperait les rituels bouddhiste, taoïste et confucianiste. L’ensemble est flambant neuf et accueille la vie religieuse de moines et de fidèles bouddhistes. En revanche nous n’avons pas vu de lieu consacré aux cultes taoïstes. Les bâtiments de l’ancienne section des rites confucéens abritent des salles d’exposition à la mémoire des lauréats des concours mandarinaux originaires de Tongzhou.
À un kilomètre au sud, le charmant Musée de Tongzhou (北京市通州区博物馆) loge dans une belle cour carrée traditionnelle.

À 200 mètres, se trouve la Mosquée de Tongzhou (通州清真寺) présente depuis la dynastie Yuan (XIIIe et XIVe siècles). L’iman nous a expliqué que sous l’impulsion moderniste du «mouvement du 4 mai 1919» (五四运动), la salle de prière des femmes fut un temps dirigée par une imame. Mais cette modernité passa de mode, et aujourd’hui des hauts-parleurs diffusent dans cette salle la parole de l’iman officiant dans la salle des hommes. Pourtant le questionnement demeure, en raison notamment de l’exemple des musulmans du Yunnan et du Guizhou qui ont des femmes imames, une tradition millénaire chez eux.

Le vendredi 30 janvier 2025 en fin d’après-midi, nous avons fait le tour du mur d’enceinte de l’ancienne caserne de l’armée de Beiyang à Tongzhou (通州北洋军队兵营旧址) qui fut construite du temps du gouvernement de Beiyang (années 1920). Le site n’est pas réhabilité ni ouvert au public. À l’intérieur on voit des chiens errants et des oiseaux, le long du mur ouest un marchand de calebasses, au nord un marchand de criquets, sauterelles et autres grillons.

Plus loin
- Le temple Jing’ansi (静安寺) dont les toits dorés rappelle son homonyme shanghaïen.
- À environ 7 km du parc Xihaizi, sur la rive sud du canal, se trouvent le Musée du Grand Canal à Tongzhou (北京大运河博物馆), et aussi la futuriste Bibliothèque municipale de Pékin (北京城市图书馆) ouverte en décembre 2023.

- Plus au sud, la Galerie d’art Han Meilin (韩美林艺术馆) vaut le détour, elle fait le pendant de sa comparse de Hangzhou, à l’extrémité sud du Grand Canal.
- Plus au nord, le Marché d’art de Songzhuang (宋庄艺术市集) et la bourgade de Songzhuang nécessitent, et valent, une journée complète. On y trouve aussi le Musée du son (声音艺术博物馆).
Vers Tianjin à vélo
Des pistes cyclables sont aménagées sur de longues portions des digues du canal reliant Tongzhou et Tianjin. Elles attirent les d’amateurs de randonnées à vélo.
[Mise à jour le 24 juin 2025.]
