Interview fictive par Julien Léger, pigiste aux Nouvelles d’ailleurs.
JL : Le calendrier chinois est-il un calendrier lunaire ou luni-solaire ?
Le calendrier chinois est lunaire, puisqu’il tient compte du cycle des lunaisons (le temps entre deux nouvelles lunes). Mais pas seulement, contrairement au calendrier musulman qui se décale d’environ onze jours par an dans le calendrier calendrier grégorien. Par conséquent, pour éviter un malentendu, il vaut mieux dire que le calendrier chinois est luni-solaire, ou soli-lunaire si l’on préfère.
JL : Alors peut-on dire que le calendrier chinois est solaire ?
Oui, en fait puisqu’il tient compte du cycle de l’année solaire. Mais il n’est pas seulement solaire, contrairement au calendrier grégorien dérivé du calendrier julien remontant à la Rome antique. À nouveau, mieux vaut dire que le calendrier chinois est luni-solaire.
JL : Comment peut-on concilier les cycles diurne, solaire et lunaire ?
L’année solaire compte environ 365 jours, alors que douze lunaisons ne représentent qu’environ 354 jours ce qui provoque un décalage d’environ 11 jours par an quand on choisit d’identifier un mois à une lunaison comme le fait le calendrier arabe. Nous écrivons environ parce que les rapports entre les durées des jours, des lunaisons et des années ne tombent pas sur des nombres entiers, ni même rationnels. Notamment, la durée d’un mois lunaire est comprise entre 29 et 30 jours. Alors, comment s’y prennent les calendriers luni-solaires en général et le chinois en particulier pour combiner ces cycles ?
Les calendriers luni-solaires contournent ces difficultés d’abord en ajustant la durée des mois régulier d’un jour pour qu’ils durent 29 ou 30 jours, tout en couplant le cycle solaire et le cycle lunaire par l’ajout d’environ 11 jours par an en moyenne insérant des mois intercalaires (闰月). Remarquons que le premier principe est aussi utilisé dans le calendrier grégorien dont les mois durent de 28 à 31 jours, et qui ajoute un 29 février les années bissextiles tous les quatre ans (ou plutôt presque tous les quatre ans) pour compenser le fait que l’année solaire dure un tout petit peu plus que 365 jours, mais un peu moins que 365 jours 1/4.
JL : Comment les mois intercalaires sont-ils positionnés ?
Traditionnellement, on dit que l’on ajoute 7 mois intercalaires (de durées différentes) dans une période de 19 ans. Concrètement, cela veut dire qu’environ tous les deux ou trois ans, le calendrier chinois ajoute soit un mois intercalaire (闰月) long d’au maximum 30 jours, soit deux mois intercalaires courts de façon à ce que le solstice d’hiver (le 20 ou 21 décembre) et les deux quinzaines suivantes restent dans la même année. De la sorte, le Nouvel An chinois arrive après le 20 ou 21 janvier. De plus, il est placé à la première nouvelle lune après la période de deux quinzaines suivant le solstice d’hiver. Donc il arrive au plus tard le 20 février. Ainsi, la date du nouvel an chinois est certes variable dans le calendrier grégorien, mais elle est calée entre le 21 janvier et le 20 février.
JL : Comment s’appelle un mois intercalaire donné ?
Si un mois intercalaire est placé après le 6e mois lunaire comme le 25 juillet 2025, alors le mois régulier s’appelle liù yuè (二月) et le mois intercalaire s’appelle rùn liù yuè (闰六月). Les enfants nés le 25 juillet 2025 fêteront leur premier anniversaire le 25 juillet 2026 ou bien le 1er jour du 6e mois lunaire ordinaire (le mardi 14 juillet 2026), cela dépend des régions et des familles. Le mois intercalaire suivant sera en 2028, un 5e mois intercalaire du 23 juin au 21 juillet.
JL : Combien de jours compte un mois lunaire ?
Les mois régulier du calendrier chinois comptent 29 jours pour les mois courts (xiǎo yuè 小月) et 30 jours pour les mois longs (dà yuè 大月). Les mois courts et longs ne sont pas les mêmes tous les ans, contrairement à janvier, mars, mai, juillet, août, octobre et décembre qui sont toujours les mois «longs» à 31 jours du calendrier grégorien, et avril, juin, septembre, novembre qui en sont toujours les mois «courts» de 30 jours, et février qui est un mois «ultra-court» qui a 28 jours ou 29 jours, notamment en 2028 qui sera bissextile.
Les mois lunaires commencent à la nouvelle lune (à quelques jours près) et la pleine lune arrive le 15 du mois (à quelques jours près). Dans un calendrier lunaire pur, on pourrait enlever les «à quelques jours près».
Par ailleurs les mois intercalaires (rùn yuè 闰月) du calendrier chinois possèdent un nombre variable de jours mais 30 au plus.
JL : Combien de jours possède une année chinoise ?
L’année chinoise compte 353 jours au minimum (sept mois courts, cinq mois longs, pas de mois intercalaire) et peut aller jusqu’à 385 jours au maximum (cinq mois courts, sept mois longs, un mois intercalaire de 30 jours).
JL : Le calendrier chinois est-il le seul à être luni-solaire ?
Non, la plupart des calendriers traditionnels d’Eurasie étaient luni-solaires, notamment en Grèce et en Gaule, au Moyen Orient, en Inde, et en Extrême-Orient. Par exemple, le calendrier juif est luni-solaire.
Seuls les Romains conçurent un calendrier purement solaire (le calendrier julien) qui est devenu le calendrier grégorien de par une réforme en 1582 et dont nous avons hérité. Et seuls les Arabes optèrent pour un calendrier strictement lunaire qui est resté le calendrier liturgique musulman.
Le calendrier catholique possède un élément luni-solaire avec son mode de calcul de la date de Pâques : le premier dimanche suivant la première pleine lune (événement du cycle lunaire) après l’équinoxe de printemps (événement du cycle solaire).
JL : Les dates de certaines fêtes chinoises ne dépendent-elles que du cycle solaire ?
Oui, car une des manifestations d’un calendrier luni-solaire est que les dates de certaines fêtes traditionnelles ne dépendent pas du cycle lunaire. Elles tombent donc à dates fixes (à un ou deux jours près) dans le calendrier grégorien. C’est bien sûr le cas des solstices et des équinoxes, et aussi du début des quatre saisons. Voici dans l’ordre de succession chronologique le long d’une année:

- Le solstice d’hiver (冬至) est le moment de l’année où le jour est le plus court dans l’hémisphère nord et donc au moment où les jours commencent à s’allonger, et cela jusqu’au solstice d’été. Cet événement astronomique lié au cycle de révolution de la Terre autour du Soleil arrive le 21 décembre (à un ou deux jours près) et il marque le début de l’hiver du calendrier grégorien, alors qu’il est le milieu de l’hiver dans le calendrier chinois. Notons que, dans le calendrier chinois, le couplage luni-solaire exige que le Nouvel An chinois arrive à la deuxième nouvelle lune après le solstice d’hiver.
- Le début du Printemps (立春) est le milieu entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps. Ce début du Printemps chinois arrive donc le 3 ou le 4 février juste au milieu de l’hiver du calendrier grégorien. Notez qu’à Pékin, ce jour marque traditionnellement la fermeture des patinoires à ciel ouvert du centre-ville, bien qu’en général la glace n’ait pas encore commencé à fondre à cette date. Ce jour est surtout le début de l’année zodiacale : un enfant né ce jour ou la veille ne sont pas du même signe, la transition zodiacale ne coïncide pas avec le Nouvel An.
- L’équinoxe de printemps (春分) est un des deux moments de l’année où la nuit et le jour durent 12 heures chacun, il arrive le 20 mars (à un jour près) et il marque le début du printemps du calendrier grégorien, mais il est le milieu du printemps dans le calendrier chinois.
- Le début de l’Été (立夏) est le milieu entre l’équinoxe de printemps et le solstice d’été, il arrive le 5 mai (à un jour près). Le début de l’été chinois arrive donc juste au milieu du printemps du calendrier grégorien.
- Le solstice d’été (夏至) correspond au jour le plus long de l’année dans l’hémisphère nord et donc au moment où les nuits commencent à s’allonger, et cela jusqu’au solstice d’hiver. Il arrive le 21 juin (à un ou deux jours près). Le solstice d’été est le début de l’été dans le calendrier grégorien, mais il le milieu de l’été dans le calendrier chinois. En fait, dans Europe du Nord d’antan, le solstice d’été marquait également le milieu de l’été et il s’appelait d’ailleurs midsummer en anglais et mittsommer en allemand.
- Le début de l’Automne (立秋) est le milieu entre le solstice d’été et l’équinoxe de printemps, il arrive le 7 août (à un jour près). Le début de l’automne chinois arrive donc juste au milieu de l’été du calendrier grégorien.
- L’équinoxe d’automne (秋分) est un moment de l’année où la nuit et le jour durent 12 heures chacun, comme à l’équinoxe de printemps. Il arrive le 22 septembre (à un ou deux jours près) et il marque le début de l’automne du calendrier grégorien, mais il est le milieu de l’automne du calendrier chinois.
- Le début de l’Hiver (立冬) est le milieu entre l’équinoxe d’automne et le solstice d’hiver, il arrive le 7 novembre (à un jour près). Le début de l’hiver chinois arrive donc juste au milieu de l’automne du calendrier grégorien.
Une autre fête chinoise à date fixe (à un jour près) dans le calendrier grégorien est Qingming (清明), parfois appelée la Toussaint chinoise, qui arrive une quinzaine (demi-lunaison) après l’équinoxe de printemps, et tombe donc le 4 ou le 5 avril. Les jours précédant cette date sont l’occasion de visites aux cimetières et funérariums.
JL : Les dates de certaines fêtes dépendent-elles du cycle lunaire ?
Oui, certaines fêtes sont placées un jour donné dans un mois donné du calendrier traditionnel. Dans ce cas, la date dépend des lunaisons, donc elle varie si on l’exprime dans le calendrier grégorien, mais ne fluctue cependant que d’un mois en raison du couplage des cycles solaires et lunaires. Voici dans l’ordre de succession chronologique le long d’une année:
- Le Nouvel An chinois est le 1er jour du 1er mois du calendrier chinois, d’une année à l’autre, sa date fluctue entre le 21 janvier et le 20 février dans le calendrier grégorien, ce qui montre qu’elle n’est pas indépendante du cycle solaire. À titre de comparaison, la date du ramadan avance de 11 jours par an dans le calendrier grégorien puisque le calendrier musulman et purement lunaire.
- La fête des Lanternes (元宵节) tombe le 15e jour du 1er mois du calendrier chinois, un jour de pleine lune comme chaque 15e jour du mois du calendrier chinois (à quelques jours près). Elle clôture les festivités du Nouvel An. Les rues et les échoppes se décorent de lampes rouges et les dîners incluent immanquablement des tangyuan (汤圆) qui sont des boulettes de farine de riz gluant dans un bol d’eau sucrée. C’est aussi l’occasion du jeu des « devinettes des lanternes » dengmi (灯谜) avec des énigmes accrochées à des lanternes.
- La fête Duanwujie (端午节) tombe le 5e jour du 5e mois. Le redoublement du chiffre 5 dans la date est considéré auspicieux. Cette fête est associée au poète Qu Yuan (屈原) qui se jeta à l’eau en l’an ‑278 après une défaite militaire du pays Chu dont il était ministre. On dit que des personnes voulant sauver le poète de la noyade seraient parties à sa recherche en bateau. C’est pourquoi les traditionnelles courses de bateaux-dragons du sud de la Chine se pratiquent à l’occasion de cette fête. En retour, ces courses sont à l’origine de l’appellation Fête des bateaux-dragons en langues occidentales. D’autres contemporains de Qu Yuan auraient jeté du riz gluant à l’eau pour détourner le féroce appétit des poissons qui risquaient de dévorer le poète. C’est la légende expliquant la dégustation de zongzi (粽子), des boulettes de riz gluant enroulées dans des feuilles de bambous, avec une farce habituellement sucrées dans le Nord et salées dans le Sud.
- La fête du double Sept (七夕) tombe la nuit du 7e jour du 7e mois. Le redoublement du chiffre 7 dans la date est considéré auspicieux. Cette fête est surnommée la Saint-Valentin chinoise car, pour les amoureux, la soirée est l’occasion d’imiter la rencontre annuelle de la Tisserande et du Bouvier. La Tisserande était l’une des sept filles de l’Empereur de Jade. Elle tomba amoureuse du Bouvier, un beau mortel. Les deux amants furent punis par l’Empereur de Jade et la Reine mère. La Tisserande devint Véga (α Lyrae) et le Bouvier devint Altaïr (α Aquilae), deux étoiles séparées par la Voie lactée, sauf le 7e jour du 7e mois où une volée de pies forment un pont leur permettant à se retrouver le temps d’une soirée.
- La fête Zhongyuanjie (中元节) tombe le 15e jour du 7e mois lunaire. Elle est surnommée la fête des Fantômes (鬼节) car il s’agit d’un moment de l’année où notre monde s’ouvre à celui des ombres. Le soir venu, on peut faire flotter sur l’eau une bougie. Cette fête n’est pas spécifiquement dédiée à la mémoire des défunts de la famille contrairement à Qingming où l’on visite les cimetières.
- La fête de la Mi-automne (中秋节) tombe le 15e jour du 8e mois lunaire. La tradition festive suggère d’avoir une pensée pour les amis au loin, quand tout le monde contemple la pleine lune simultanément (au décalage horaire près). Il y a aussi les gâteaux de Lune (月饼) sucrés dans le Nord de la Chine et salés dans le Sud. Il existe moult légendes et coutumes associées à cette fête dont l’origine est pourtant purement calendaire, notamment l’anecdote de la belle Chang’e (嫦娥) exilée sur la Lune avec son lapin de jade (玉兔). Un lapin qui entretien un rapport flou avec le seigneur Lapin du folklore pékinois.
- La fête Chongyangjie (重阳节) tombe le 9e jour du 9e mois lunaire. Le redoublement du chiffre 9 dans la date est considéré auspicieux.


JL : L’ordre des fêtes est-il identique tous les ans ?
Non ! Les fêtes à dates solaires se succèdent certes dans un ordre constant entre elles, idem pour les fêtes à dates lunaires entre elles. Mais l’ordre de deux événements peut s’inverser entre les deux catégories. Deux exemples:
- La fête de la Mi-automne et l’équinoxe d’automne sont proches mais n’arrivent pas toujours dans le même ordre.
- Le début du Printemps et le Nouvel An chinois aussi sont proches entre eux mais n’arrivent pas forcément dans le même ordre. Remarquons que dans la Chine ancienne la fête du Printemps (春节) se célébrait le jour du début du Printemps (立春) et elle intervenait donc avant ou après le Nouvel An chinois. Cependant, la fête du Printemps coïncide désormais avec le Nouvel An chinois en raison d’une réforme promulguée en 1914. Par ailleurs, comme le couplage luni-solaire du calendrier chinois porte seulement sur le solstice d’hiver, alors environ une année sur quatre comporte deux jours «début du Printemps» alors qu’une année sur quatre n’en possède aucun et s’appelle une année veuve (寡年).
JL : Que sont les vingt-quatre périodes solaires ?
Les 24 périodes solaires (节气) forment un calendrier solaire pur (et donc une sorte de calendrier climatique) au sein du calendrier luni-solaire. Ces 24 périodes sont des quinzaines (des demi-mois) qui se succèdent à dates fixes (à un ou deux jours près) dans le calendrier grégorien. Le nom d’une période solaire correspond au nom de son premier jour.

- Les périodes solaires du printemps chinois: d’abord le début du Printemps (立春) qui commence le 20 mars (à un jour près), puis se succèdent les pluies (雨水), la sortie de l’hibernation (惊蛰), l’équinoxe de printemps (春分), Qingming ou Pure clarté (清明), les pluies pour les grains (谷雨).
- Les périodes solaires de l’été chinois: le début de l’Été (立夏) qui commence le 5 mai (à un jour près), puis la croissance du grain (小满), les grains en épis (芒种), le solstice d’été (夏至), les petites chaleurs (小暑), les grandes chaleurs (大暑).
- Les périodes solaires de l’automne chinois: le début de l’Automne (立秋) qui commence le le 7 août (à un jour près), puis la fin de la canicule (处暑), la rosée blanche (白露), l’équinoxe d’automne (秋分), la rosée froide (寒露), les gelées (霜降).
- Les périodes solaires de l’hiver chinois: le début de l’Hiver (立冬) qui commence le 7 novembre (à un jour près), puis les petites neiges (小雪), les grandes neiges (大雪), le solstice d’hiver (冬至), la petite froidure (小寒), la grande froidure (大寒).
JL : Les 24 périodes solaires coïncident-elles forcément avec une année ?
Non, car certaines années (les années veuves) peuvent ne pas contenir de période début du Printemps (立春) alors que d’autres en contiennent deux.
JL : Comment les années sont-elles numérotées ?
Les années sont traditionnellement numérotées selon un cycle à 60 termes formés avec les dix branches célestes (天干) et les douze tiges terrestres (地支). Par exemple, l’année 2026 du calendrier grégorien est presque entièrement incluse dans une année bǐng wǔ (丙午) du calendrier chinois, il en était de même pour 1966, et cette appellation reviendra en 2086.
Par ailleurs, une numérotation plus récente, émulant le calendrier grégorien, a introduit une année première en 2698 avant Jésus-Christ ce qui fait que l’an 2022 du calendrier grégorien serait l’an 4723 du calendrier de l’empereur Jaune (黄帝纪年法).
JL : Depuis combien de temps le calendrier chinois existe-t-il ?
Personne ne le sait. En termes plus savants, disons que l’état actuel de la recherche ne permet pas de trancher. En fait, le plus ancien calendrier disponible est le traité Assignation des saisons (授时历) publié en 1280 par le savant Guo Shoujing (1231-1316) et ses associés, c’est tardif dans l’histoire de l’astronomie chinoise. D’ailleurs les calendriers ne sont pas forcément astronomiques, ils peuvent être climatiques, c’était souvent le cas des calendriers paysans dont la diffusions était locale et qui ont rarement été transmis. De plus, l’astronomie chinoise ne se préoccupait pas que des questions calendaires, mais aussi de dresser la carte du ciel, et d’observer les éclipses, les comètes, les novæ, les pluies de météorites.
Certains estiment que le principe du calendrier luni-solaire aurait été inventé en Mésopotamie, puis transmis au reste de l’Ancien Monde. D’autres préfèrent penser que ce type de calendrier aurait été inventé indépendamment par diverses civilisations à plusieurs époques. Aucun élément concret ne permet de trancher entre ces deux conjectures.
Le cycle de 60 termes du cycle utilisé pour la numérotation des jours, des mois et des années est attesté en Chine dans les écrits oraculaires sur os et écailles, mille ans avant la fondation de l’Empire en 221 avant Jésus-Christ. En Chine, ce cycle n’a jamais servi de base de numération, et il n’est a priori pas lié à la numération savante hexadécimale de l’ancienne Mésopotamie. Cependant, la numérotation des années ne nous informe pas sur la façon dont ces années étaient découpées.
L’alternance de mois courts à 29 jours et de mois longs à 30 jours semble tardive. Par exemple, tous les mois possédaient 30 jours dans le Livre sur les calculs effectués avec des bâtonnets (section 4-25) daté du IIe siècle avant Jésus-Christ.

JL : Quelle administration s’occupe ou s’occupait du calendrier ?
À l’époque impériale, un Bureau d’astronomie était chargé de publier le calendrier de l’année suivante qui servait notamment à fixer les dates des fêtes et des cérémonies officielles.
La dynastie Yuan (1271-1368) établit deux bureaux concurrents à Pékin : l’un tenu par des chinois et l’autre par des musulmans.
La dynastie Qing (1644-1911) donna la direction du Bureau d’astronomie au père jésuite Johann Adam Schall von Bell en 1630, puis ce fut le tour de Ferdinand Verbiest en 1668.
En 1928, le gouvernement de la République de Chine s’installa à Nankin et transféra les fonctions de l’ancien observatoire de Pékin à l’Observatoire de la Montagne Pourpre (紫金山天文台) dans la nouvelle capitale.
En 1949, la République populaire rétablit Pékin comme capitale, mais
- Nankin conserva le Bureau des éphémérides et des références astronomiques de l’Observatoire de la Montagne Pourpre (中国科学院紫金山天文台历算和天文参考系研究团组).
- Xi’an accueillit le Service de l’heure légale (国家授时中心) dépendant de l’Observatoire du mont Lishan (骊山天文台).
JL : Les missionnaires jésuites réformèrent-ils le calendrier chinois au XVIIe siècle ?

Non ! En fait, l’année solaire du calendrier grégorien édicté par Rome en 1582 avait la même durée à quelques secondes près que celle du calendrier établi en 1280 par Guo Shoujing. Ainsi le calendrier occidental n’avait rien d’innovant dans les pays d’Asie qui utilisaient l’art calendaire chinois. Icii nous ne nous perdrons pas dans des conjectures invérifiables au sujet de l’origine de la durée de l’année solaire chez Guo Shoujing et chez les Européens. Nous soulignons simplement que le calendrier européen n’était ni plus précis ni plus efficace que le chinois, et donc que l’apport des jésuites était ailleurs : leurs tables trigonométriques et le modèle du système solaire de Tycho Brahe évitèrent (généralement mais pas toujours) des erreurs dans le calcul des dates et horaires des équinoxes, des solstices et des éclipses. C’est du moins ce qu’il ressort des quelques sections restantes des Traités calendaire du règne Chongzhen (崇祯历书) attribués à Xu Guangqi (1562-1633) et Johann Adam Schall von Bell (1592-1666).
Pourtant, certains jésuites, moins forts que d’autres, commirent des erreurs de calculs et minèrent ainsi la confiance que leur accordait l’État chinois. L’occurrence la plus célèbre eut lieu en 1711, quand l’empereur Kangxi (féru de mathématiques et d’astronomie) observa lui-même l’horaire du solstice d’été et constata un décalage de quelques dizaines de minutes par rapport à la prévision du Bureau d’astronomie alors sous la direction du jésuite Kilian Stumpf (1655-1720), un scandale rapporté par Jean-François Foucquet (1665-1741). Lui, pour restaurer un prestige perdu, présenta à Kangxi les méthodes de calcul associées au modèle héliocentrique copernicien qui avait fini par supplanter le modèle de Tycho Brahe en Europe. Les fonctionnaires jésuites du Bureau d’astronomie gardèrent leurs postes de justesse. Quant à l’empereur mathématicien Kangxi, il forma en personne des jeunes mathématiciens chinois afin qu’ils assimilent le calcul à l’européenne, sans toutefois réussir à initier une révolution scientifique de ce côté de l’Eurasie.

[Mise à jour le 20 décembre 2025.]
Références :
- Anicotte, Rémi (2022) Six chapitres d’histoire de Chine.
- Anicotte, Rémi, Dong Juan, Xu Changming (2021) Mathematics in Chinese – Mathématiques en chinois (3e édition).
- Anicotte, Rémi (2019) Le Livre sur les calculs effectués avec des bâtonnets – Un manuscrit du -IIe siècle excavé à Zhangjiashan. Paris: Presses de l’Inalco.
- Chu, Pingyi [祝平一] (2007) «Archiving Knowledge: A Life History of the Calendrical Treatises of the Chongzhen Reign (Chongzhen lishu)», in: Extrême-Orient, Extrême-Occident, hors série « Qu’était-ce qu’écrire une encyclopédie en Chine ? / What dit it mean to write an encyclopedia in China? » pp.159-184.
- Foucquet, Jean-François (posthume 2019) Lettres de Chine à sa famille 1698-1721. Paris: Mercure de France.
- Li, Liang [李亮] (éd., 2021) 岛根图书馆藏本《崇祯历书》未刊与补遗汇编 [Collation du «Chongzhen lishu» manuscrit de la bibliothèque de l’Université de Shimane au Japon]. Changsha : 湖南科技出版社 [Hunan Science and Technology Press].
- Sivin, Nathan (2009) Granting the Seasons: The Chinese Astronomical Reform of 1280, With a Study of its Many Dimensions and a Translation of its Records. Springer.
