Le savant Guo Shoujing (郭守敬, 1231-1316) fut l’auteur d’une mise à jour majeure du calendrier chinois en 1280.

On lui doit aussi une rénovation du Grand Canal qui relie Pékin à Hangzhou et la création des infrastructures hydrauliques de Pékin.

Statue du savant Guo Shoujing affublée d’une écharpe rouge pour célébrer le Nouvel An. @Rémi Anicotte (2 janvier 2024)

Il naquit en 1231 à Xingtai au Hebei, une province alors contrôlée par Ögedeï, un fils et successeur du conquérant mongol Genghis Khan.

Il servit l’administration de Kubilaï, un fils et successeur d’Ögedeï, de 1260 à 1294, puis celles de Témur Khan de 1294 à 1307, de Külüg Khan de 1307 à 1311, et finalement de Buyantu jusqu’en 1316. Ainsi, il travailla pour le régime mongol même avant 1271, l’année de la fondation formelle selon la tradition chinoise de la dynastie Yuan par Kubilaï Khan.

Il aurait dû partir à la retraite en 1301 à l’âge réglementaire de 70 ans, mais il fut obligé de rempiler pendant 15 ans parce qu’il n’y avait personne pour le remplacer. Cette situation était causée par un biais des dirigeants mongols qui se reposaient sur des personnels formés par leurs prédécesseurs (comme les professeurs de Guo Shoujing), ou d’étrangers (comme le Vénitien Marco Polo, le Népalais Araniko, le Perse Jamal ad-Din Bukhari, etc.), et tardèrent jusqu’en 1313 pour rétablir le recrutement des hauts fonctionnaires (dont les ingénieurs). Et encore, à partir de 1313, les concours (kē jǔ 科举) ne furent organisés que de façon sporadique jusqu’à la chute de la dynastie Yuan en 1368.

Le mémorial Guo Shoujing de Pékin se situe dans un temple reconstruit au sommet d’une butte à l’ouest de l’ancienne porte Deshengmen. Il s’agissait initialement d’un lieu surplombant le canal permettant l’entrée de l’eau vers l’intérieur des remparts nord érigés entre 1406 et 1420 sous le règne de l’empereur Yongle de la dynastie Ming. Mais comme ces remparts ne sont plus aujourd’hui qu’un souvenir, on peut aussi bien dire que le mémorial est une construction de style traditionnel réalisée au début du XXe siècle au sommet d’une butte artificielle du XVe siècle à l’intérieur du 2e périphérique nord et à l’ouest de l’échangeur Deshengmen.

Entrée sud de l’ancien temple des Confluences (汇通祠), nom de 1761, rénové pour abriter un mémorial de Guo Shoujing (郭守敬纪念馆). @Rémi Anicotte (27 janvier 2025)

Quels étaient les objectifs des infrastructures hydrauliques de Pékin commandées à Guo Shoujing par l’administration de Kubilaï à la fin du XIIIe siècle ? Énonçons-les tels qu’on les déduit à partir de l’existant observé :

Et listons les infrastructures réalisées du nord vers le sud :

Ligne continue fine : murs des Jin jurchens aux XIe et XIIe siècles.
Ligne continue épaisse : murs des Yuan au XIIIe siècle avec des remparts nord au niveau de la section nord de l’actuelle ligne 10 du métro et avec un port fluvial intra-muros près de l’actuel échangeur Deshengmen sur la section nord du 2e périphérique.
Ligne pointillée : murs des Ming et des Qing ramenant les remparts nord au niveau de l’actuel 2e périphérique et relocalisant le port fluvial hors des murs.
D’après une carte exposée au mémorial de Guo Shoujing à Pékin.

La dynastie Yuan tomba en 1368 et lui succéda la dynastie Ming. L’empereur Yongle des Ming modifia l’urbanisme de Pékin avec un changement majeur achevé au début du XVe siècle : le port fluvial serait désormais hors des murs. Pas question cependant de toucher le réseaux hydraulique de Guo Shoujing, donc ce sont les murs qui bougèrent : les remparts nord construits au niveau de la section nord de la ligne 10 du métro furent abandonnés et de nouveaux remparts nord furent montés plus au sud, à l’emplacement de l’actuel 2e périphérique nord. L’ancien port fluvial près de Deshengmen devint une zone d’entretien des jonques hors des murs. Le nouveau port fluvial était hors des murs au sud de l’actuel échangeur Chaoyangmen sur la section est du 2e périphérique.

Pékin de l’empereur Yongle des Ming en 1420, d’après Six chapitres d’histoire de Chine, page 208.

Puis au milieu du XVIe siècle, l’empereur Jiajing des Ming voulut que ce port fluvial fût protégé par des remparts et fit construire les murs de la « Ville extérieure » toujours sans modifier l’héritage de Guo Shoujing.

Pékin de l’empereur Jiajing des Ming en 1564, d’après Six chapitres d’histoire de Chine, page 215.

Finalement, le port fluvial de Pékin fut abandonné à la fin du XIXe siècle après l’avènement des chemins de fer qui remplaçaient le transport sur le Grand Canal. Mais le réseaux des lacs de Guo Shoujing subsista.

Les murs et lacs de Pékin sous la République de Chine. D’après une carte du mémorial de Guo Shoujing.
  • Les vestiges des remparts Yuan entre les stations Jiandemen, Beitucheng, Anzhenmen etc. de la ligne 10 du métro. On y voit la base des remparts en terre battue (sans coffrage de briques) et le canal à l’emplacement des anciennes douves.
  • Le mémorial de Guo Shoujing près de la station de métro Jishuitan de la ligne 2 du métro.
  • Puis suivre à pied une des rives du lac Xihai (西海) jusqu’à son goulot d’étranglement au sud-est, on y observe la reconstitution d’une écluse.
Vue sur le lac Xihai à partir de l’entrée du mémorial de Guo Shoujing. @Rémi Anicotte (27 janvier 2025)
  • Continuer le long du canal reliant les lacs Xihai et Houhai (后海) en traversant l’avenue Denshengmen nei dajie (德胜门内大街).
  • Suivre la rive sud du lac Houhai (后海) et observer la tour Wanghailou (望海楼) de l’autre côté.
  • Franchir le pont du lingot d’argent (Yindingqiao 银锭桥) vers le nord.
  • Longer la rive nord du lac Qianhai (前海) jusqu’au canal menant vers l’est et le pont Wanningqiao (万宁桥), et traverser l’avenue Di’anmen wai dajie (地安门外大街). Des deux côtés du pont, observer les vestiges de l’écluse Chengqing supérieure (澄清上闸) et ses quatre fauves dompteurs des eaux (pas forcément les originaux du XIIIe siècle, mais datant plutôt d’une rénovation Ming).
Fauve dompteur des eaux au pont Wanningqiao. @Rémi Anicotte (23 mars 2024)
  • Longer le canal de Jade (河玉河) vers l’est en laissant à gauche l’ancienne chapelle du canal (玉河庵) où opère désormais l’enseigne Voyage Coffee.
  • Traverser l’avenue Di’anmen dong dajie (地安门东大街) aménagée sur l’emplacement des murs de l’ancienne Ville impériale (皇城). Vers l’est se trouvait Di’anmen (porte de la paix terrestre) qui était le pendant nord de Tian’anmen (porte de la paix céleste).
  • Continuer le long de la rive sud du canal de Jade sur sa section à l’intérieur de la Ville impériale. En passant, de l’autre côté du canal, on voit l’église protestante de Kuanjie (宽街堂). Plus loin se trouve une carte d’itinéraire sur le Grand Canal représentée sur une succession de plaques de bronze formant comme un bas-relief en partant du lac Kunming au palais d’Été (parc Yiheyuan), jusqu’au centre de Pékin, puis jusqu’à Tongzhou et Tianjin, ainsi de suite pour aboutir à Hangzhou.
  • Les vestiges du canal de Jade s’arrêtent à l’ancienne écluse Chengqing inférieure (澄清下闸) au niveau des vestiges de la section est des murs de la Ville impériale.
  • De là, on peut continuer en voiture ou à vélo jusqu’à Dongbianmen (东便门) pour y voir la tour d’angle sud-est des remparts de la Ville intérieure (内城东南角楼), une autre représentation sur une plaque de béton et deux photos de la fin du XIXe siècle illustrent le pont fluvial situé dans ce secteur du XVe au XIXe siècle, et le départ du canal Tonghui (通惠运河) menant à Tongzhou.
La tour d’angle sud-est des remparts de la Ville intérieure vue de l’échangeur à l’est de Dongbianmen, au loin la tour de la télévision. @Rémi Anicotte (20 février 2025)
Le canal Tonghui vu de l’échangeur à l’est de Dongbianmen. @Rémi Anicotte (20 février 2025)

[Mise à jour le 15 juin 2025.]


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