Le mot faïence désigne une céramique ou un objet en métal déjà formé qui est émaillé, c’est-à-dire peint avec une pâte de verre colorée appelée émail, puis qui est recuit pour obtenir un effet vernissé.

Théière en or émaillé. Artefact gu116597 de la Cité interdite. @Rémi Anicotte (7 avril 2024)

Les collections de la Cité interdite contiennent d’étonnantes faïences de style chinois produites en France au XVIIIe siècle dans le cadre d’une commande de l’empereur Qianlong de la dynastie Qing.

Il y a notamment deux théières en or émaillé, l’une avec des dessins de chrysanthèmes roses, blancs et bleus sur un fond jaune, l’autre avec des motifs floraux bleus sur un fond blanc, et qui sont respectivement indexées gu116545 et gu116597. Il y a aussi une coupe à pétales en or émaillé en bleu pour sa surface intérieure et avec des pivoines sur fond jaune à l’extérieur. Ces objets furent montrés lors d’une exposition croisée Cité interdite-Versailles en 2024 dans la salle Wenhuadian de la Cité interdite, et quelques publications éclairèrent leur origine.

Coupe à pétale en or émaillé (artefact gu116773) @Rémi Anicotte (7 avril 2024)

La production en France est avérée par des marques de fabrique et des poinçons. Par ailleurs, l’inscription en chinois de l’ère de production semble reproduite par un artisan ne sachant pas écrire les caractères chinois.

Fond de la théière gu116545 d’après l’article de Wang He publié en 2020. On voit la marque de la fabrique coteau et les quatre caractères 乾隆年制 [fabrication de l’ère Qianlong] bien disposés et lisibles mais écrits d’une façon irrégulière qui suggère une réalisation par un artisan ne connaissant pas le chinois.
Poinçon de la guilde des orfèvres de Paris sur la théière gu116545 d’après l’article de Wang He, Liu Hanwen et Zhai Yi publié en 2024.

Les observations matérielles sont corroborées par des sources textuelles de la fin du XVIIIe siècle. Les archives impériales chinoises stipulent la décision de l’empereur Qianlong de commander la fabrication des faïences outre-mer (xī yáng 西洋 ou wài yáng 外洋) à partir de modèles sortis des collections du Palais. Les textes insistaient sur la préférence pour la faïence étrangère (yáng fà láng 洋珐琅) par rapport à la faïence de Canton (Guǎng fà láng 广珐琅) dont la qualité était explicitement jugée inférieure. Des lettres privées du côté français témoignent quant à elles d’une coordination informelle entre les autorités consulaires à Canton, les missionnaires français à la cour de Pékin et la marine marchande française.

Finalement, on comprend que ces quelques faïences françaises de la Cité interdite furent produites en France et offertes à l’empereur Qianlong dans le cadre de la politique d’influence initiée à la fin du XVIIe siècle par le roi Louis XIV du temps de l’empereur Kangxi, le grand-père paternel de Qianlong. Mais la diplomatie de Qianlong n’était pas aussi souple que celle de Kangxi, désormais, les cadeaux n’étaient plus réciproques, et la France n’était pas mentionnée dans les écrits de Qianlong qui ne considérait qu’un outre-mer générique. Il est d’ailleurs possibles que d’autres commandes de Qianlong aient été honorées ailleurs qu’en France. N’empêche que, pour les artisans français, l’arrivée de modèles venant de Pékin était une aubaine stimulant la création de nouveaux concepts pour satisfaire la mode des chinoiseries de l’Europe du XVIIIe siècle.

Les collections de la Cité interdite renferment par ailleurs des faïences avec des décors à l’occidentale. Mais, à défaut d’une analyse minutieuse, il semble risquer de se prononcer sur leur origine : importées d’Europe ou produites en Chine, notamment dans les fabriques de Canton pourtant publiquement désavouées par Qianlong.

Bouteille carrée émaillée, galerie du trésor au palais Ningshougong de la Cité interdite, lieu de fabrication non renseigné. @Rémi Anicotte (20 février 2024)

[Mise à jour le 12 mars 2025.]


En savoir plus sur Pékin Explorateurs

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.


Laisser un commentaire