Le mot faïence désigne une céramique ou un objet en métal déjà formé qui est émaillé, c’est-à-dire peint avec une pâte de verre colorée appelée émail, puis qui est recuit pour obtenir un effet vernissé.

Les collections de la Cité interdite contiennent d’étonnantes faïences de style chinois produites en France au XVIIIe siècle dans le cadre d’une commande de l’empereur Qianlong de la dynastie Qing.
Il y a notamment deux théières en or émaillé, l’une avec des dessins de chrysanthèmes roses, blancs et bleus sur un fond jaune, l’autre avec des motifs floraux bleus sur un fond blanc, et qui sont respectivement indexées gu116545 et gu116597. Il y a aussi une coupe à pétales en or émaillé en bleu pour sa surface intérieure et avec des pivoines sur fond jaune à l’extérieur. Ces objets furent montrés lors d’une exposition croisée Cité interdite-Versailles en 2024 dans la salle Wenhuadian de la Cité interdite, et quelques publications éclairèrent leur origine.

La production en France est avérée par des marques de fabrique et des poinçons. Par ailleurs, l’inscription en chinois de l’ère de production semble reproduite par un artisan ne sachant pas écrire les caractères chinois.


Les observations matérielles sont corroborées par des sources textuelles de la fin du XVIIIe siècle. Les archives impériales chinoises stipulent la décision de l’empereur Qianlong de commander la fabrication des faïences outre-mer (xī yáng 西洋 ou wài yáng 外洋) à partir de modèles sortis des collections du Palais. Les textes insistaient sur la préférence pour la faïence étrangère (yáng fà láng 洋珐琅) par rapport à la faïence de Canton (Guǎng fà láng 广珐琅) dont la qualité était explicitement jugée inférieure. Des lettres privées du côté français témoignent quant à elles d’une coordination informelle entre les autorités consulaires à Canton, les missionnaires français à la cour de Pékin et la marine marchande française.
Finalement, on comprend que ces quelques faïences françaises de la Cité interdite furent produites en France et offertes à l’empereur Qianlong dans le cadre de la politique d’influence initiée à la fin du XVIIe siècle par le roi Louis XIV du temps de l’empereur Kangxi, le grand-père paternel de Qianlong. Mais la diplomatie de Qianlong n’était pas aussi souple que celle de Kangxi, désormais, les cadeaux n’étaient plus réciproques, et la France n’était pas mentionnée dans les écrits de Qianlong qui ne considérait qu’un outre-mer générique. Il est d’ailleurs possibles que d’autres commandes de Qianlong aient été honorées ailleurs qu’en France. N’empêche que, pour les artisans français, l’arrivée de modèles venant de Pékin était une aubaine stimulant la création de nouveaux concepts pour satisfaire la mode des chinoiseries de l’Europe du XVIIIe siècle.
Les collections de la Cité interdite renferment par ailleurs des faïences avec des décors à l’occidentale. Mais, à défaut d’une analyse minutieuse, il semble risquer de se prononcer sur leur origine : importées d’Europe ou produites en Chine, notamment dans les fabriques de Canton pourtant publiquement désavouées par Qianlong.

Références:
- Anicotte, Rémi (2022) Six chapitres d’histoire de Chine.
- Wang, He [王翯] (2020) «西洋制作乾隆款画珐琅器物考» [A Textual Research of The Western-Made Enameled Ceramic Pot with Qianlong’s Reign Mark], in 故宫博物院院刊 [Palace Museum Journal] (Pékin), n°7/2020, pp.19-30, 106-107.
- Wang, He [王翯], Liu Hanwen [刘瀚文], Zhai Yi [翟毅] (2024) «西洋制作乾隆款画珐琅器物考补证» [The Western-Made Painted Enamels with Qianlong’s Reign Mark Reconsidered], in 故宫博物院院刊 [Palace Museum Journal] (Pékin), n°4/2024, pp.27-39, 143.
- Zhao, Bing [赵 冰] (2024) «“France de commande” A Circumscribed Channel of Exchange between China and France (1760-1780)», in Artefact (Strasbourg), n°20/2024, pp.69-100. (Traduction chinoise 从乾隆皇帝1775-1776年“法国定制”看中法宫廷交流的私人性, in 故宫博物院院刊, n°4/2024, pp.40-52.)
[Mise à jour le 12 mars 2025.]
