L’ouvrage Six chapitres d’histoire de Chine replace la culture, les traditions, et l’identité chinoises dans leur cadre historique, avec sa succession d’époques dynastiques, et de périodes de morcellement.
Chaque chapitre se prolonge par des sections «Échos dans les arts et la culture», «Sites et musées», «Témoignages», «Textes anciens» qui ouvrent des horizons et des pistes d’exploration avec des visites de musées et de sites historiques, qui proposent de fouiller l’iconographie en ligne, et de lire des textes de première main dont certains furent rédigés en langues européennes dès le XIIIe siècle.

INTERVIEW FICTIVE DE L’AUTEUR PAR JULIEN LÉGER, PIGISTE AUX NOUVELLES D’AILLEURS :
Julien Léger : Vos Six chapitres d’histoire de Chine partent des cultures de la préhistoire pour aboutir au début du XXIe siècle. Pourquoi cet ouvrage et ce plan chronologique ?
Rémi Anicotte : La Chine reste un ailleurs, une alternative stimulante, pourtant méconnue. C’est pourquoi j’ai voulu replacer l’identité chinoise, sa culture, ses mentalités, ses philosophies et ses religions et dans un cadre historique, avec sa succession d’époques dynastiques, et de périodes de morcellement pour aider à saisir les grandes lignes de son histoire et de sa civilisation.
Julien Léger : Pourquoi avez-vous choisi une approche chronologique plutôt qu’une sélection de thèmes culturels ou de lieux ?
Rémi Anicotte : La chronologie s’avère compliquée même avec les époques où la Chine possédait un État central, les chronologies deviennent entremêlées dans les périodes où le territoire était démembré entre plusieurs pouvoirs locaux, pourtant, énoncer la ligne temporelle et montrer des frises chronologiques crée un fil narratif soutenant la mémoire. De plus, cette approche met en relief les moments charnières où tout semblait pouvoir basculer, et elle bouscule les prétentions téléonomiques, voire messianiques, des pouvoirs en place.
Julien Léger : L’écriture chronologique impose-t-t-elle une lecture suivie du début à la fin ?
Rémi Anicotte : Pas du tout ! Les lecteurs peuvent feuilleter au gré de leurs centres d’intérêt.

Julien Léger : Pourquoi six chapitres ?
Rémi Anicotte : Pour rappeler qu’il faut découper en tranches d’histoire afin de construire un format raisonnable pour les lecteurs. Ces tranches d’histoires n’ont pas des durées égales. Le premier chapitre parcourt près de 2800 ans partant de la protohistoire jusqu’à l’unité féodale de la dynastie Zhou puis la centralisation du Premier empereur Qin. Les trois suivants couvrent chacun environ cinq à sept siècles. Les deux derniers traitent respectivement des périodes 1820-1908 et 1908-2022.

Julien Léger : Chacun des chapitres se prolonge par des sections « Échos dans les arts et la culture », « Sites et musées », « Témoignages », « Textes anciens » qui ouvrent des horizons inattendus, et donnent des idées de lectures et de voyages.
Rémi Anicotte : Ces sections offrent des pistes d’exploration de l’histoire et de la culture avec des visites de musées et de sites historiques, ouvrent des pistes pour fouiller l’iconographie en ligne, et donnent accès à des textes rédigés par des témoins et des acteurs. Elles contribuent à comprendre les logiques internes, les différences de mentalités, voire d’autres visions du pouvoir et de la gouvernance, la vie religieuse omniprésente sans pourtant d’allégeance à une obédience particulière. Finalement, le lecteur se constitue une réflexion interculturelle.

Julien Léger : Je me suis régalé avec vos extraits des Mémoires historiques de Sima Qian, les passages de lettres de jésuites français à la cour de Pékin, les anecdotes concernant les amants de l’impératrice Wu Zetian, ou au sujet d’un tournage à Pékin d’Uma Thurman pour le film Kill Bill 2 de Quentin Tarantino !
Rémi Anicotte : Il est utile de partager ces anecdotes, ces textes courts et les échos de l’histoire dans la culture populaire qui constituent un fonds de références et qui font revivre un instant les personnages du passé.

Julien Léger : Vous donnez les noms propres en transcription pinyin et en caractères chinois. J’apprécie parce que cela m’évite de les chercher ailleurs. Mais ne craignez-vous pas de rebuter certains lecteurs ?
Rémi Anicotte : Beaucoup de lecteurs veulent ces précisions comme vous, les autres les laisseront de côté.
Julien Léger : Je note aussi votre insistance sur la juxtaposition, à chaque époque, de cultures et de modes de vie différents. En quoi est-ce important ?
Rémi Anicotte : J’emprunte l’idée à François-Xavier Fauvelle. Il a conceptualisé la diversité des modes de vie et de structures familiales à un temps donné sur un même territoire comme une caractéristique de l’Afrique. Or, la dimension continentale de la Chine crée à certains égards un effet d’échelle similaire. Par exemple, on voit que l’impératrice Wu Zetian venait d’une culture du Nord où les femmes pouvaient exercer le pouvoir. Elle ne s’en priva pas, mais elle décida que l’Empire Tang suivrait le modèle clanique patriarcal défini neuf cent ans plus tôt par la dynastie Han. Elle envisageait l’histoire sur le long terme ce qui lui permettait de soupeser les divers systèmes et qui l’autorisait à choisir ce qui lui semblait le moins risqué pour la survie de l’État. Pour mener à bien son dessein, elle sacrifia ses fils (ils ne partageaient la vision de leur mère) et elle forma sa fille la princesse Taiping, pour finalement mieux transmettre à l’un de ses petit-fils. D’ailleurs, en parallèle des modes de vie variés, il y a aussi la diversité des systèmes familiaux qui influencent la visions politique des acteurs, c’est une idée empruntée à Emmanuel Todd, et un sujet malheureusement très peu documenté dans les études chinoises.
Plusieurs siècles après, en 1644, le chef du clan Aisin Gioro issu du peuple mandchou s’arrogea le pouvoir à Pékin. Son héritage culturel le préparait à se comporter en caméléon culturel capable d’assumer, tour à tour et en même temps, les rôles de Fils du Ciel, d’Empereur de Chine, de Khan des Mandchous, de protecteur du clergé tibétain. Selon ses interlocuteurs, il adoptait et adaptait les rites de l’Empire chinois, les coutumes des clans mandchous et mongols, voire les protocoles des Européens.
Julien Léger : Merci d’avoir mis l’érudition à la portée de tous ! S’il vous plaît, où peut-on trouver l’ouvrage ?
Rémi Anicotte : En impression à la demande !

[Mise à jour le 13 octobre 2024.]
