Saint-John Perse, sous son vrai nom Alexis Léger, fut secrétaire de la Légation de France à Pékin de 1916 à 1921, et syndic du quartier des Légations étrangères pendant six mois en 1918.

  • 1887 : naissance à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe.
  • 1899 : installation de sa famille à Pau.
  • 1904 : début de ses études de droit à Bordeaux.
  • 1911 : publication du recueil Éloges réputé appartenir au cycle antillais de l’auteur.
  • 1916-1921 : en poste à Pékin.
  • 1922 : prise de fonction au Quai d’Orsay (ministère des Affaires étrangères).
  • 1924 : publication d’Anabase censé appartenir au cycle asiatique du poète.
  • 1940 : fin de ses fonction au Quai d’Orsay, départ pour l’Angleterre puis les États-Unis.
  • 1945 : publication du recueil Exil dit appartenir au cycle américain de Saint-John Perse.
  • 1960 : prix Nobel de littérature.
  • 1972 : publication de ses Œuvres complètes.
  • 1975 : décès à Hyères dans le Var.
Alexis Léger alias Saint-John Perse à Pékin.

Durant son séjour à Pékin, il entretint une relation avec Nellie Yu Roung Ling (Yù Rónglíng 裕容齡, 1882-1973). Elle avait appris le français et la danse classique à Paris où son père Yu Geng (Yù Gēng 裕庚, 1843-1905) était diplomate à l’Ambassade de Chine de 1899 à 1902. Elle avait servi comme dame de compagnie à la cour de l’impératrice douairière Cixi de 1903 à 1905. Elle était l’épouse du militaire Tang Baochao (Táng Bǎocháo 唐宝潮, 1887-1958), le premier diplômé chinois de l’école Saint-Cyr.

Les conversations des deux amants aidaient le Français à décrypter ce qui se tramait dans les hautes sphères de la République de Chine, de quoi contenter sa hiérarchie à la Légation et justifier son temps libre.

Sa pensée politique sembla marquée par l’administration internationale du quartier des Légations de Pékin, avec un syndic nommé pour un mandat de six mois. Il fut lui-même syndic en 1918 quand arriva le tour de la Légation de France après les six mois de l’Italie.

Nellie Yu Roung Ling, épouse de Tang Baochao.

D’après le journal La Politique de Pékin du 23 mai 1920, entre les 10 et 22 mai 1920, Saint-John Perse effectua une excursion en Buick découverte de Pékin à Urga (Oulan Bator) et retour, en passant par Kalgan (Zhangjiakou) et en traversant le désert de Gobi. Il était en compagnie du docteur Augustin Bussière et de Gustave-Charles Toussaint qui traduisit du tibétain les 108 chants du Padmasambhava – Le Dict de Padma. Les Français suivaient un convoi du général Xu Shuzheng (Xú Shùzhēng 徐树铮, 1880-1925).

Voyage en Mongolie en 1920. Sur la voiture se voient Saint-John Perse et le docteur Bussière.

Saint-John Perse fréquentait les campagne arborée des collines au nord de Pékin. Les quatre passages suivants de son poème Anabase semblent évoquer ce qu’il y vit des rites populaires de la fête qingming (清明节, le 4 ou le 5 avril).

« Demain les fêtes, les clameurs, les avenues plantées d’arbres à gousses et les services de voirie emportant à l’aurore de grands morceaux de palmes mortes, débris d’ailes géantes » (Anabase IV) « les corvées d’entretien de routes muletières, de chemins en lacets dans les gorges » (Anabase X) : l’entretien des routes avant les festivités était un travail bénévole.

« aux carrefours de très grands bols de bronze pour la soif » (Anabase X) : lors des festivités, l’eau était offerte aux pèlerins dans de grands bols en porcelaine dont le verni avait la couleur du bronze.

« des célébrations de fêtes en plein air pour les anniversaires de grands arbres » (Anabase X) : en Chine il est coutumier d’accrocher des couronnes de soie rouge sur les vieux arbres, et de déposer des offrandes à leur pied.

Ruban rouge en offrande sur un tronc d’arbre.

Par ailleurs, dans la biographie de la Pléiade (en fait une autobiographie rédigée à la troisième personne), le poète nota : « Dispose, à un jour de cheval de Pékin, sur une éminence dominant les premières pistes caravanières vers le Nord-Ouest, d’un petit temple taoïste désaffecté où il écrira Anabase. »

Et dans une des Lettres d’Asie datée du 2 août 1917 et prétendument envoyée de Chine à sa mère : « Je vous écris du fond d’un petit temple bouddhiste, sur une éminence rocheuse au nord-ouest de Pékin, où j’ai, pour quelques jours, trouvé refuge contre la fatigue d’un redoutable été. À mes pieds, des vallées inondées par les dernières grandes pluies ; à hauteur de mon front, déjà, les lourdes premières chaînes qu’amorce l’élévation mongole. »

Pourtant, le poème Anabase, publié à Paris en 1924, fut en définitive composé loin de Chine, et tout y est sciemment dégagé de localisations réelles ou identifiables. Et les Lettres d’Asie, furent (ré)écrites dans les années 1960 avant leur insertion dans son œuvre complète à la Pléiade. Elles ne sauraient constituer des documents historiques.

Finalement, nous aurions tort de lire les écrits de Saint-John Perse comme s’il s’agissait de textes à clés sous prétexte que quelques images isolées résonnent avec certains de nos propres souvenirs. Sinon, nous ne ferions pas honneur au génie du poète. Lui, le béké guadeloupéen (trop blanc et trop colonial) aux yeux d’Édouard Glissant (1928-2011), le mulâtre du Quai d’Orsay (pas assez blanc et trop internationaliste) pour ses collègues des Affaires étrangères, refusait de se laisser enfermer dans les catégories des autres, et il créait une universalité en délocalisant savamment tout ce qui pouvait l’être. Il jouait de juxtapositions d’images détonantes en puisant son inspiration autant du Pékin où il vécut, que de son voyage en Mongolie, de la verve des conteurs antillais, et de sa relecture de la traduction du Dict de Padma par Gustave-Charles Toussaint.

Sources :

Guo Anding [郭安定] (éd., 1997) Saint-John Perse et la Chine [Actes de la journée d’études du 9 mai 1997 à Pékin]. Pékin : La Chine au présent.

Giovanna Devincenzo (2009) Saint-John Perse entre errance et alliance, Les Caraïbes: convergences et affinités.

Yanna Guo (2020) « La Politique de Pékin (1914-1940) : une revue francophone comme espace de traduction de la littérature chinoise moderne », in Revue de Littérature Comparée (Paris), n°373, pages 39-56, 118, 122.

Henriette Levillain (1999) « L’aventure poétique de la traduction d’Anabase », in La Revue des deux Mondes – Saint-John Perse, l’éternel exilé, pages 86-105.

Henriette Levillain (2013) Saint-John Perse. Paris : Fayard.

Renaud Meltz (2008) Alexis Léger dit Saint-John Perse. Paris : Éditions Flammarion.


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