Sous la dynastie Qing (1644-1911 à Pékin), les frères et les demi-frères de l’Empereur jouissaient d’un titre héréditaire, mais baissait généralement d’un échelon à chaque génération, comme l’allocation qui l’accompagnait. Cependant, les princes du premier rang – dits princes «au chapeau de fer» (tiě mào zǐ wáng 铁帽子王) – échappaient à ce déclassement programmé, à condition de ne pas déplaire. La dynastie connut un total de 12 lignées de princes de ce rang, certaines lignées n’ayant pas dépassé une génération.

@Rémi Anicotte (11 octobre 2020)
Les deux dernières lignées introduites furent celle de Yixin et celle de Yixuan, tous deux fils de l’empereur Daoguang (règne 1820-1850) et demi-frères de l’empereur Xianfeng (règne 1850-1861).
Yixin reste connu comme un réformateur et comme le fondateur de la diplomatie chinoise moderne.

Les princes du premier rang se voyaient allouer un palais aux toitures couvertes de tuiles vertes – un cran en-dessous des tuiles dorées réservées à l’empereur. Aujourd’hui à Pékin, ils restent quelques vestiges de ces résidences. Pourtant, seul le palais des princes Gong (Gōng wángfǔ 恭王府) fut conservé, restauré et ouvert au public en 2008, dans le cadre d’un projet de longue haleine lancée par le premier ministre Zhou Enlai (1898-1976) qui voulait préserver le patrimoine lié à l’État impérial et à sa diplomatie afin de s’approprier sa profondeur historique, et la légitimité qui en découlait.

La construction de l’actuel palais Gong fut initiée en 1776 par Heshen (1750-1799), neveu et jeune ministre de l’empereur Qianlong. Il y habita jusqu’à sa fin. Cinquante ans plus tard, l’Empire l’attribua àYixin.

Alors qu’à la Cité interdite, on voit la solennité d’un lieu de pouvoir, au palais des princes Gong, on découvre les fastes de l’aristocratie mandchoue sous la dynastie Qing, son art de vivre et ses codes esthétiques.

Après avoir pris un ticket au guichet, nous constatons que le palais présente trois enfilades nord-sud de cours d’habitation donnant sur une longue cour est-ouest, puis le jardin tout au nord. Nous traversons les cours, les salles d’audience et les pavillons d’habitation de la partie bâtie, puis nous arrivons au cœur d’un jardin, nous imaginant les fastes de la vie de l’aristocratie mandchoue, avec des promenades sur de petites collines artificielles, un kiosque réservé à des joutes poétiques, un autre kiosque offrant une vue sur un étang, un opéra, etc.

Les murs et les boiseries sont chargés de représentations de chauves-souris et de poissons, respectivement symboles de bonheur et d’abondance.

À l’arrière d’une salle, se voit le socle de la mangeoire des corbeaux. Les Mandchous les nourrissaient pour les remercier de prévenir des dangers et donner ainsi l’occasion de s’en prémunir. Sur une colline se cache un autel dédié à quatre immortels: le furet (ou vison de Sibérie), le hérisson, le serpent et le renard.

Localisation Google du Palais Gong.
Pour les amateurs de balades à pieds ou à vélo, voici les localisations (liens Google Maps) d’autres anciens palais de princes des premier et deuxième rangs:
- Le palais Chún wáng fǔ (醇王府) alias le Palais du nord (Běi fǔ 北府) au bord du lac Houhai accueillit Yixuan puis Zaifeng. Puyi y naquit en 1906, et il y résida quelques temps en 1924 avant sa fuite à Tianjin. L’ensemble originel est désormais coupé en deux: la partie d’habitation abritant l’association des échanges culturels religieux, et le jardin renfermant la villa où vécut Song Qingling (1893-1981), la veuve de Sun Yat-sen, à partir de 1963 et qui se visite en tant qu’Ancienne demeure de Song Qingling (Sòng Qìnglíng gùjū 宋庆龄故居).
- L’ancien palais Qìng qīn wáng fǔ (庆亲王府) juste à l’ouest de Gong Wangfu vit son jardin cédé à l’Université catholique Furen (Fǔ rén dà xué 辅仁大学) qui y ouvrit un campus en 1912 (site désormais rattaché à l’Université Normale de Pékin). Quant à la partie résidentielle restante, elle est actuellement utilisée comme zone de le logement par la garnison de Pékin. Quelques panneaux de bois sculpté servant de cloisons intérieures ont été déménagé au palais Qing de Tianjin (Tiānjīn Qìngwángfǔ 天津庆王府) en 1912.
- Le palais Chún qīn wáng fǔ (淳亲王府) sur la rue Zhengyi Lu, au sud de l’Académie impériale Hanlin (Hàn lín yuàn 翰林院) fut alloué comme siège de la Légation britannique en 1860, incendié en 1900. Tout le secteur est désormais occupé par la Sûreté nationale.
- L’ancien palais Sù wáng fǔ (肃王府) fut détruit en 1900, puis attribué au Japon en 1901 comme siège de sa légation. Il ne reste rien des bâtiments d’origine.
- Le palais Yōng qīn wáng fǔ (雍亲王府): attribué au futur empereur Yongzheng (règne) par son père l’empereur Kangxi (règne ) en 1694, transformé en palais impérial Yōng hé gōng (雍和宫) en 1725, trois ans après l’intronisation de Yongzheng – les tuiles vertes furent remplacées par des tuiles dorées. L’empereur Qianlong, fils de Yongzheng transforma l’ensemble en lamaserie – le Temple des lamas – en 1744 (sans modifier la couleur des tuiles).
- Les emplacements des anciens palais Lǐ qīn wáng fǔ (礼亲王府), Zhèng qīn wáng fǔ (郑亲王府) et Yí qīn wáng fǔ (仪亲王府) tous trois à l’ouest de Zhongnanhai appartiennent désormais à l’armée.
- L’ancien palais Jìng jǐn qīn wáng fǔ (敬谨亲王府) au sud-ouest de Xidan fut entièrement remodelé par son occupant actuel.
- Le palais Héng qīn wáng fǔ (恒亲王府) abrite désormais une maison d’édition, comme d’ailleurs le palais Fú jùn wáng fǔ (孚郡王府) du prince de deuxième rang Fu.
- Le palais Ruì qīn wáng fǔ (睿亲王府) de Dorgon (demi-frère de Huangtaiji et régent de l’empereur Shunzhi) devint la lamaserie Pǔdùsì (普渡寺). Elle fut abandonnée, et sa cour finit comme parc public offrant un point de vue sur la porte Donghuamen et la Tour d’angle sud-est de la Cité interdite.
