En 1911, la Révolution de l’année Xinhai mit brutalement fin au régime impérial.

En 1912, l’impératrice douairière Longyu signa l’abdication de son neveu le dernier empereur Puyi. L’empereur enfant conserva son titre et il resta dans la Cité interdite où il était assigné à résidence avec ses tantes Longyu et Jinfei, veuves de Guangxu, l’avant-dernier empereur.

L’impératrice Longyu (隆裕, 1868-1913) au premier plan. Louisa Pierson au second plan. Photographie prise par John Yu Shuinling, fils de Louisa Pierson, entre 1903 et 1905.
La favorite Jinfei (瑾妃, 1874-1924), au centre devant les bassins à poissons du palais Yanxigong (延禧宫), Cité interdite, Pékin. Photographie prise entre 1909 et 1924.
Guangxu (光绪, 1871-1908), l’avant-dernier empereur de Chine. Il ne conçut de descendance ni avec Longyu ni avec Jinfei. Il aimait seulement la belle favorite Zhenfei (珍妃, 1876-1900) morte trop tôt. Portrait vraisemblablement réalisé aux alentours de 1898.

En 1917, Zhang Sun (张勋, 1854-1923) fomenta une restauration monarchique en remettant Puyi sur le trône, l’empereur avait désormais onze ans. Alors, l’armée de la République de Chine dirigée par Duan Qirui (段祺瑞, 1865-1936) tenta le tout pour le tout et entreprit de bombarder la Cité interdite. Trois des avions Caudron de l’aviation de la République de Chine décollèrent de l’aéroport de Nanyuan, volèrent au-dessus de la Cité interdite, et lâchèrent chacun une bombe lancée à la main.

Zhang Sun ne disposait pas des moyens pour répliquer, il se réfugia dans la légation des Pays-Bas à Pékin, puis à Tianjin. Le jeune Puyi, effrayé, abdiqua à nouveau et demeura au palais.

Puyi (溥仪, 1906-1967) le dernier empereur de Chine (écusson du dragon, coiffe surmontée d’une perle). Photographie possiblement prise en 1917.

Mais laissons le contexte historique de l’aventure de Zhang Sun et de la contre-attaque de Duan Qirui. Concentrons-nous plutôt sur un aspect anecdotique de l’affaire : ce que la presse et les témoins dirent au sujet des points d’impact des bombes.

Un article de Zuo Yuanbo (2016) mis en ligne sur le site officiel de la Cité interdite recense plusieurs relations des événements par les journaux pékinois de 1917 : elles diffèrent toutes quant aux points de chute des bombes ! Finalement, la seule certitude est le parfum de mystère qui persistait toujours autour de la Cité interdite à l’époque puisque la République et le Palais ne communiquaient pas sur l’affaire et que le commun des mortels ne pouvait encore y entrer que lors de rares événements. La Cité interdite perdit son statut politique et devint un musée, officiellement et à part entière, seulement en 1925, l’année qui suivait l’expulsion de Puyi et sa fuite dans la concession japonaise de Tianjin.

Les journalistes qui rapportèrent le bombardement ne disposaient que d’informations invérifiables de seconde main et se livraient à des conjectures, sans toutefois le préciser, créant un corpus de fake news reproduit ad nauseam encore aujourd’hui. Les militaires responsables du bombardement ne firent pas de repérage au sol, ni avant, ni après. Et les privilégiés qui avaient accès au Palais ne divulguaient pas ce qui en dernier ressort relevait encore du secret d’État. Les souvenirs consignés près de quarante ans après les événements par le dernier empereur Puyi ne firent qu’ajouter une version supplémentaire pas plus fiable que celles de la presse de 1917.

Un appareil Caudron (fabrication française) de l’aviation de la République de Chine.

En revanche, le site Internet du Musée de la Cité interdite indique (sans justification, mais se basant a priori sur les archives du Palais devenues archives du Musée) que le bombardement aurait endommagé le bâtiment nord du palais Yanxigong où se trouve une construction dans le style Expo Universelle de Paris. Cette détérioration justifiait la démolition en 1931 des bâtiments bordant la cour et la construction d’entrepôts modernes, aujourd’hui lieux d’expositions temporaires. Cela donne le point d’impact d’une des trois bombes à un emplacement que ni la presse ni Puyi n’avaient mentionné, mais cela ne dit rien des deux autres bombes.

Finalement, l’incomplétude des informations disponibles en 1917 et l’incertitude qui les entoure doivent être acceptées comme composantes de l’histoire.

Références:

  • Aisin Gioro Puyi [爱新觉罗·溥仪] (1964) 我的前半生 [La première moitié de ma vie]. Pékin: Éditions des masses [群众出版社]. Adaptation française: J’étais empereur de Chine (J’ai lu, 1999).
  • Anicotte, Rémi (2022) Six chapitres d’histoire de Chine. Publication indépendante.
  • Wang Qingxiang [王庆祥] (2007) 溥仪人脉地图 [Les réseaux de Puyi]. Pékin: Unity Press [团结出版社].
  • Zuo Yuanbo [左远波] (2016) «讨逆军空袭紫禁城始末» [Déroulé de l’attaque aérienne de la Cité interdite par l’armée anti-impériale], in 故宫学刊 [Journal of Gugong Studies], n°2, pp.282-292.
  • Description du palais Yanxigong (延禧宫) sur le site officiel de la Cité interdite.
  • Le palais Yanxigong sur Google Maps.

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Une réponse à « Bombardement sur la Cité interdite en 1917 »

  1. […] Zhang Xun (1854-1923), remit l’empereur sur le trône du Palais Qianqinggong. Sur quoi trois avions Caudron de l’armée régulière attaquèrent la Cité interdite, lâchant trois b…. La tentative de restauration avait fait long feu. Duan Qirui (1865-1936), à la tête du nouveau […]

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