L’impératrice douairière Cixi régna sur l’Empire de la dynastie Qing pendant 47 ans, de 1861 à 1908.

Le 15 août 1900, Cixi fuit à Xi’an afin d’échapper à l’occupation de la capitale par les troupes de l’Alliance des huit nations (Royaume-Uni, République française, Empire austro-hongrois, Empire allemand, Royaume d’Italie, Empire du Japon, Empire de Russie et États-Unis d’Amérique). Ces pays attaquaient la Chine en réponse à la Révoltes des Boxeurs et au siège des Légations étrangères.

Le 3 janvier 1902, Cixi rentra à Pékin après son peu glorieux exil d’un an. Elle entreprit alors de redorer son blason en jouant des médias comme le faisaient déjà les têtes couronnées d’Europe.

Cixi internationalisa sa cour en y accueillant, de 103 à 1905, Lizzie Yu Der Ling et Nellie Yu Roung Ling, deux jeunes dames de compagnie issues de l’élite privilégiée des Huit Bannières et affublées du statut d’interprètes.

Cixi fit peindre son portrait en 1903-1904 par Katharine Carl (1865-1938) qui avait été introduite par la femme de l’ambassadeur des États-Unis. Mais l’impératrice douairière ne supportait pas les longues séances de pose. Elle opta finalement pour la photographie grâce aux sœurs Yu Der Ling et Yu Roung Ling qui lui présentèrent leur frère John Yu Shuinling. Il avait appris l’art photographique à Paris quand son père Yu Geng était en poste à l’Ambassade de Chine.

Des tirages en noir et blanc ou colorisés étaient vendus dans des boutiques à Pékin et Shanghai. Des reproductions des clichés achetés étaient parfois créditées à l’auteur de la reproduction, du fait que la photographie n’était pas à cette époque reconnue comme une œuvre d’art associée à un auteur. Par exemple, des travaux originellement dus à Yu Shuinling furent ainsi parfois attribués à Firmin Laribe (1855-1942) qui réalisa lui-même des photographies de monuments impériaux et des portraits de gens du commun quand il était en poste à la Légation de France entre 1904 et 1910. En revanche, contrairement à Yu Shuinling, Firmin Laribe n’eut pas accès aux grands personnages de la cour.

La fratrie Yu Der Ling- Yu Hsingling-Yu Roung Ling-Yu Shuinling:

Louisa Pierson était la fille d’une courtisane de Canton et d’un blanc inconnu. Elle se disait catholique et Française. Elle se maria avec Yu Geng (Yù Gēng 裕庚, 1843-1905) un membre de la Bannière chinoise blanche après le décès de la première épouse de ce monsieur. Ils eurent quatre enfants scolarisés dans des écoles missionnaires américaines en Chine, et qui suivirent leur père en poste à l’ambassade de Chine au Japon (1895-1899), puis en France (1899-1902). Les quatre enfants pratiquaient le chinois, le japonais, l’anglais et le français. Yu Geng et Louisa Pierson parvinrent à faire entrer leurs deux filles au service de Cixi de 1903 à 1905 ; c’étaient loisible puisqu’elles appartenaient aux Huit Bannières.

• Lizzie Yu Der Ling (Yù Délíng 裕德龄, 1881-1944) fut traductrice au service de la cour. En 1907, elle épousa Thaddeus C. White qu’elle suivit aux États-Unis où elle était appelée « princesse Der Ling », un statut qu’elle n’avait pas en Chine. Elle publia notamment Two Years in the Forbidden City (1911).
• Charles Yu Hsingling (Yù Xīnlíng 裕馨龄, 1886-1932), fut second secrétaire à l’ambassade de Chine à Paris de 1899 à 1902, où il épousa la pianiste Geneviève Deneux avant de rentrer en Chine.
• Nellie Yu Roung Ling (Yù Rónglíng 裕容齡, 1882-1973) apprit la danse classique à Paris. Elle épousa Tang Baochao (Táng Bǎocháo 唐寶潮, 1887-1958), le premier diplômé chinois de Saint-Cyr. Elle fréquenta Saint-John Perse à Pékin entre 1916 et 1921.
• John Yu Shuinling (Yù Xūnlíng 裕勋龄, 1874-1943) fut second secrétaire à l’ambassade de Chine à Paris de 1899 à 1902. Il y apprit la photographie.

Sources:

• Rémi Anicotte (2022) Six chapitres d’histoire de Chine. Publication indépendante.
• Danielle Elisseeff (2012) Excursion dans le monde troublant des images photographiques, in Études chinoises, vol.31, n°2. Art et mémoire en Chine et à Taïwan, pages 203-219.
• Renaud Meltz (2008). Alexis Leger dit Saint-John Perse. Paris : éditions Flammarion.
• Cheng-hua Wang (2012) “Going Public”: Portraits of the Empress Dowager Cixi, Circa 1904, in NAN NU, volume 14, n°1, pages 119-176.
• Collection des photographies de John Yu Shuinling à la Smithsonian Institution.
• Collection des photographies de Firmin Laribe à la Bibliothèque Nationale de France.