L’urbanisme de Pékin repose sur un axe central nord-sud qui ancre la capitale du Fils du Ciel dans le cosmos.

L’empereur Kubilaï Khan – un petit-fils du conquérant mongol Gengis Khan – déclara Pékin sa capitale principale en 1272, après cinq ans de travaux. L’urbanisme de sa nouvelle ville fortifiée respectait les spécifications des Rites des Zhou (Zhōu lǐ 周礼) instaurant un axe central nord-sud (Zhōngzhóuxiàn 中轴线) qui symbolise l’artère du dragon (Lóngmài 龙脉) ancrant la capitale du Fils du Ciel dans le cosmos et pas seulement dans la Terre. Il fait de la capitale un lieu sacré et assure la légitimité de ses gouvernants.

Il s’agit d’un axe hautement symbolique donc, d’une idée qui forme un élément du patrimoine immatériel de Pékin, et qui portent des éléments architecturaux qui relèvent quant à eux du patrimoine matériel.

L’axe central de Pékin est comme une colonne vertébrale qui continue à influencer l’urbanisme de la ville : les modernes établirent les constructions les plus iconiques des Jeux olympiques d’été 2008 sur l’axe central, vers le nord. Et du côté sud, ils construisirent le nouvel aéroport de Daxing.

Nous explorons l’axe central de Pékin du sud vers le nord, en une longue journée marathon, ou par morceaux sur plusieurs jours, à pied, à vélo et par la ligne 8 du métro.

Plan de l’axe central de Pékin.

Notre périple commence près des sorties A et F de la station Yongdingmen Wai (lignes 8 et 14 du métro) pour observer le bloc de Yan (Yàn dūn 燕墩) qui est le marqueur sud de l’axe central (Yan était le nom de Pékin dans l’antiquité).

Le bloc de Yan. @Rémi Anicotte (lundi 7 octobre 2024)

Ce bloc fut érigé en terre battue à l’époque de Kubilaï Khan, renforcé d’un coffrage en briques sous la dynastie Ming, puis chapeauté d’une stèle au XVIIIe siècle sous le règne de l’empereur Qianlong. Cette continuité d’intérêt montre que l’importance symbolique de l’axe central est respectée par les régimes politiques successifs qui renforcent leur légitimité en s’appropriant les vestiges du passé et leur signification.

De là, nous avançons environ 400 m vers le nord jusqu’à la porte Yǒngdìngmén (永定门), l’ancienne ouverture centre-sud des remparts Ming. Aux alentours se voient les eaux calmes des douves sud. Nous empruntons un vélo pour aller au pont Céleste (Tiānqiáo 天桥) construit en marbre et situé entre le temple du Ciel (Tiān tán 天坛) et l’ancien temple de l’agriculture (Xiān nóng tán 先农坛). Les empereurs passaient par ce pont quand ils allaient de la Cité interdite jusqu’au temple du Ciel. Le reste du temps, des saltimbanques se produisaient ici ; le centre d’art Tianqiao (Běijīng Tiānqiáo yìshù dàshà 北京天桥艺术大厦) témoigne de cette facette du passé de Pékin.

Nous arrivons à l’extrémité sud de l’avenue piétonne Qiánmén dàjiē (前门大街) qui fut longtemps le cœur d’un des quartiers commerçants les plus florissants de Pékin, avant de devenir un pôle touristique animé. Perpendiculaire à l’avenue, la ruelle Dàzhàlán (大栅栏) – ou Dàshílánr en pékinois – abrite le plus ancien cinéma de Pékin nommé Dàguānlóu Yǐngchéng (大观楼影城) et fondé en 1905.

Au bout de l’avenue piétonne se dresse la porte Zhèngyángmén (正阳门) qui est souvent appelée porte Qiánmén. Le deuxième niveau de la librairie Page One dans le complexe Beijing Fun (Běijīng fáng 北京坊) en offre une vue spectaculaire : nous voyons un édifice percé d’une ouverture et surmonté de lucarnes d’archers du côté de l’avenue piétonne, et une deuxième tour, ouverte aussi, avec des piliers caractéristiques de l’architecture protocolaire du côté de la place Tian’anmen. Les deux bâtiments étaient placés de part et d’autre d’une cour murée (wèngchéng 瓮城) où étaient contrôlés tous ceux qui passaient. Elle fut démolie en 1915, ils sont aujourd’hui séparés par la ligne des boulevards Qianmen Est (Qiánmén dōng dàjiē 前门东大街) et Qianmen Ouest (Qiánmén xī dàjiē 前门西大街).

Vue de l’avenue Qianmen vers le sud et la porte Yongdingmen au loin. Photo prise du haut de la tour d’archets (jianlou) de la porte Zhengyangmen. @Rémi Anicotte (19 mars 2025)
Le côté ouest de la tour des archets (ianlou) de la porte Zhengyangmen avec ses lucarnes d’archets et la plateforme panoramique à balustrade blanche aménagée en 1915 au temps de la République de Chine. @Rémi Anicotte (19 mars 2025)
La façade sud de la tour des remparts (chenglou) de la porte Zhengyangmen avec des colonnades d’apparat. Vue prise du haut de la tour d’archets (jianlou) de la porte Zhengyangmen. @Rémi Anicotte (19 mars 2025)

Nous sommes face à la place Tian’anmen (Tiān’ānmén guǎngcháng 天安门广场) où se dresse le Mausolée de Mao Zedong, et où se voient le Monument des héros de la Révolution, ainsi que le lever du drapeau tous les jours à l’aube.

Il est possible de contourner la place, notamment par l’ouest pour admirer l’ovale de verre de l’Opéra national (Guójiā dà jùyuàn 国家大剧院) dessiné par Paul Andreu. Les Pékinois le surnomme l’Œuf de cane.

Vient ensuite la Cité interdite achevée en 1420, ses douves et ses remparts ; les blocs de marbre posés au XIIIe siècle par les Empereurs mongols y matérialisent toujours l’axe central . Elle fut la demeure de quatorze empereurs de la dynastie Ming et de dix de la dynastie Qing. Elle devint un musée en 1925. Nous y accédons en marchant de la porte de la Paix céleste (Tiān’ānmén 天安门), tout au nord de la place éponyme, jusqu’à la porte du Midi (Wǔmén 午门) qui est la seule entrée de la Cité interdite ouverte au public. Une autre fois nous atteindrons la porte Wumen en musardant du côté ouest à travers le parc Sun Yat-sen (Zhōngshān gōngyuán 中山公园), ou peut-être en faisant un détour du côté est par le Temple des ancêtres (Tàimiào 太庙).

Nous sortons de la Cité interdite par sa porte nord dite porte de la Bravoure militaire (Shénwǔmén 神武门). Elle est protégée de la froideur septentrionale par la colline du Charbon (Méishān 煤山) qui se nomme ainsi parce que s’y trouvaient les dépôts de combustible du chauffage hivernal du palais. Elle est communément appelée colline des Panoramas (Jǐngshān 景山) en chinois. Du plus haut des kiosques se contemple les toits couverts de tuiles dorées du palais impérial au sud. Au nord-ouest s’aperçoit la pagode blanche construite au milieu du parc Beihai en l’honneur de la venue du 5e dalaï-lama à Pékin en 1653.

Nous prenons un vélo pour rouler en direction de la tour des Tambours (Gǔlóu 鼓楼) et de la tour de la Cloche (Zhōnglóu 钟楼). Nous approchons des lacs Qianhai, Houhai et Xihai, puis des douves nord de la ville des dynasties Ming et Qing, avant de prendre le métro à la station Guloudajie (鼓楼大街) jusqu’à la station Beitucheng (北土城) où s’observent les vestiges des remparts nord de la ville de Kubilaï Khan.

Nous reprenons un vélo jusqu’aux sites olympique des Jeux Olympiques d’été 2008. Nous y faisons une balade sur la passerelle aérienne du Nid d’oiseau (Niǎocháo kōngzhōng zǒuláng 鸟巢空中走廊) surplombant le Stade national (Guójiā tǐyùcháng 国家体育场).

Ensuite, de la terrasse panoramique au sommet des tours Olympiques (Běijīng àolínpǐkè tǎ 北京奥林匹克塔), notre vue embrasse du côté sud cet axe central de Pékin que nous venons de parcourir. Et au nord, les montagnes cachent les vestige de Xanadu (Yuán Shàngdū yízhǐ 元上都遗址) la capitale estivale de Kubilaï, à 300 km.

[Mise à jour le 19 juin 2025.]


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